construction bizarre !

J'ai toujours été choquée par cette strophe de José-maria Heredia dans son poème les Conquérants :

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré;

Il est évident que ce n'est pas l'azur qui espère des lendemains épiques, mais les conquérants, et pourtant ils ne sont pas nommés. Cette construction me paraît fautive. N'est-ce pas votre avis aussi ?

mimipeti a écrit:

J'ai toujours été choquée par cette strophe de José-maria Heredia dans son poème les Conquérants :

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré;

Il est évident que ce n'est pas l'azur qui espère des lendemains épiques, mais les conquérants, et pourtant ils ne sont pas nommés. Cette construction me paraît fautive. N'est-ce pas votre avis aussi ?

Vous avez raison. Si vous ou moi écrivions de cette manière, nous nous ferions tirer l'oreille par notre professeur. Mais quand on a le talent de José-Maria de Hérédia, on ne craint guère la critique... Un acteur minable qui rate une marche conduisant à la scène est hué, tandis qu'un artiste de renom est applaudi !

dimitri a écrit:

Un acteur minable qui rate une marche conduisant à la scène est hué, tandis qu'un artiste de renom est applaudi !

J'aime bien cette phrase !!!!!

Cette construction que vous trouvez bizarre, sous la plume de ce poète parnassien est attestée comme une figure de style nommée "anacoluthe".
[...]
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré ;

Ou penchés à l'avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.

On y constate en effet une rupture syntaxique, "espérant" se rapportant au sujet "ils" situé un peu plus bas.

Léa a écrit:

Cette construction que vous trouvez bizarre, sous la plume de ce poète parnassien est attestée comme une figure de style nommée "anacoluthe".

L'anacoluthe n'est pas une faute ? C'est une construction que je peux employer ?

Pourriez-vous trouver d'autres anacoluthes d'écrivains célèbres ? merci

tempo a écrit:

Pourriez-vous trouver d'autres anacoluthes d'écrivains célèbres ? merci

Et pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre
Ce que je viens de raconter
La Fontaine ( Fable « Le vieillard et les trois jeunes hommes»)

Et le peu de bonheur qui nous vient en chemin,
Nous n’avons pas plus tôt ce roseau dans la main,
Que le vent nous l’enlève »
Musset (Poésies nouvelles « Souvenir »)

Mais seule sur la proue, invoquant les étoiles,
Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles
L’enveloppe.
Chénier (Bucoliques « La jeune Tarentine » )